vendredi 6 décembre 2019

Bons vivants, bons et vivants

Le Point du 05 décembre, derrière sa couverture "Qui veut la peau des bons vivants?", consacre un joli dossier aux "diktats qui menacent l'art de vivre à la française". Je n'aime pas trop cette dernière expression, qui fait un peu nostalgie réac-franchouillarde, mais les identités gastronomiques de nos provinces cumulées n'étaient pas dépourvues de sens ni de culture. Certes, les temps changent, l'activité physique aussi, et il n'est d'ailleurs pas difficile de manger avec plaisir 5 fruits ou légumes par jour, pour peu qu'on sache un peu cuisiner. Quant aux orgies pantagruéliques, pour beaucoup de français elles tenaient davantage du mythe que du quotidien.
Il y a pourtant, pour s'en tenir au sens, quelque chose d'inquiétant dans ces injonctions à la mode, souvent contradictoires d'ailleurs, qui déferlent comme une offensive idéologique : contre le vin, la viande, le gras... Que les modes de vie contemporains appellent certaines modérations est une chose, que cette nécessité se traduise en une hygiène culpabilisatrice et un puritanisme quasi-religieux en est une autre, quelque peu mortifère.
On apprend dans ce dossier quelques habitudes de politiques ou de dirigeants. Et si en regard de cela on observe un peu les pratiques managériales ou les postures politiques de ceux-ci, on constate que ces habitudes alimentaires en disent long sur l'humanisme supposé des uns et des autres. Idem, et de façon plus anecdotique mais culturellement significatives de la culture de l'époque, la ruée des nouveaux députés Lrem sur le coca et le red-bull à la buvette de l'Assemblée nationale, ou l'éradication du vin par A. Buszyn dans son ministère :"Du point de vue du foie, le vin est un alcool comme un autre", proclamait-elle il y a peu... Certes, lui répondra-t-on, comme du point de vue de Ripolin, une toile de Manet est une peinture comme une autre. Misère de misère...
On se souvient de Philippe Muray évoquant jadis le sinistre Pr Got en "marionnette terrorisante du bien-être". Ou de ce propos de Jean-Jacques Rousseau, pourtant protestant et pas du genre patachon : "J'ai toujours remarqué que les gens faux sont sobres et la grande réserve de la table annonce assez souvent des moeurs feintes et des âmes doubles".
Que faut-il craindre de cet hygiénisme forcené qui méprise la vie vivante ? Je suis de la génération qui a connu ce qu'on osait encore nommer Banquet républicain. Les banquets, on le comprend, ont disparu. Quant à la République...

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