dimanche 19 janvier 2020

Et maintenant Dolto...

L'affaire Matzneff et l'ambiance qu'elle suscite ressemblent de plus en plus aux procès de Moscou de 1936. C'est maintenant Françoise Dolto qu'on convoque sans rire au tribunal de l'Histoire et de la morale, au motif qu'elle aurait été... pro-pédophile.
Dans un premier temps, on se marre ; dans un deuxième on essaie de comprendre comment cette infamie lui tombe dessus. Et on apprend qu'un article du Canard enchainé a exhumé des propos parus il y a 40 ans dans une interview pour un journal féministe dirigé par Gisèle Halimi.
Catherine Dolto, la fille, a expliqué depuis dans le Monde l'histoire de cet article dénoncé en son temps par sa mère elle-même, article dévoyé par les féministes pour se payer une Dolto, un peu naïve, qu'elles ne portaient pas dans leur coeur. Quant aux extraits eux-mêmes, en langage parlé, ils sont tellement sortis de leur contexte qu'ils en deviennent juste ridicules et sans la moindre crédibilité, même dans la bouche d'un JM Bigard.
F. Dolto a été régulièrement attaquée, avec des argumentations qui attaquaient, à tort ou à raison, non pas l'oeuvre de la célèbre psy mais plutôt la vulgarisation qui en a été faite par des hordes d'éducateurs de tout poil et par un grand public souvent paresseux. L'apport de Dolto tourne à mon sens autour de deux principes : le premier, c'est que "le bébé est une personne", pour reprendre le titre de son livre, ce que personne ne contestera aujourd'hui ; le deuxième, c'est que l'enfant ne doit jamais être au centre de son monde, pour ne pas devenir l'enfant-roi si décrié... et qu'on lui a pourtant souvent imputé !
Pour offensante qu'elle soit, l'attaque contre Dolto et son travail serait simplement grotesque et stupide si elle n'était glaçante, à voir la machinerie pleine d'inculture, d'outrances, de haine et de mauvaise foi qui se met en place, à coups d'offensives systématiques contre toutes les formes de thérapies libératoires extérieures à la science officielle et triomphante. Que le Canard se retrouve aux commandes dans ce type d'opérations me surprend, eu égard à son histoire... 
Et s'y rajoute, dans le contexte du moment, la sempiternelle charge contre "l'idéologie soixante-huitarde" source de tous nos maux et dont Dolto serait l'égérie gauchiste et permissive... Aux seconds couteaux amateurs de cette théorie, on apprendra que Françoise Dolto, fille d'un ministre gaulliste, n'a eu qu'un seul engagement politique, d'ailleurs ponctuel, en signant au premier tour des Présidentielles de 1981 un appel à voter... Michel Debré !


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