mercredi 17 juin 2020

C'était Michel Roquebert

On avait fini par le croire immortel, tellement il s'était institué comme l'incarnation de l'Histoire du catharisme et de ses conséquences. De 1970 à 1998, son "Epopée cathare" avait ressuscité en 3000 pages le roman de l'Occitanie médiévale ; son travail d'historien, ses travaux de recherches archéologiques, sa rigueur minutieuse avaient produit une oeuvre de référence, unanimement reconnue et saluée. Balayant "le grand manteau de balivernes" déversé sur Montségur par des fureurs (führer ?) mystiques, prudent face à quelques emballements militants, il avait construit une oeuvre remarquable d'érudition et d'intégrité qui fait autorité.
De ses études sur les châteaux cathares, il avait élargi ses recherches au catharisme, et de là à l'Histoire de l'Occitanie, autour d'une période dont les conséquences préfigurent largement la France d'aujourd'hui : c'est de ce travail (et de celui de son mentor René Nelli) que découle pour une bonne part la prise de conscience d'une identité occitane, même si celle-ci ne se réduit évidemment pas au catharisme. Beaucoup d'historiens étrangers découvrirent ainsi l'Occitanie, et s'intéressèrent à leurs propres hérétiques... L'influence de Roquebert est au moins européenne.
Nous nous étions rencontrés le temps d'une campagne électorale aux Elections européenne de 1984, où nos noms figuraient sur la même liste. Je connaissais évidemment son oeuvre : l'homme que je découvris alors m'impressionna tout autant, par sa prestance et l'acuité de son œil d'aigle...
Il n'aura pas vu le classement de ses "Citadelles du vertige" au patrimoine mondial de l'Unesco, candidature qu'il avait initié voilà quelques années et qui est toujours en cours. Mais ce qu'il a fait en tant qu'auteur et transmetteur pour ce "patrimoine", mondialement reconnu ou pas, le consacre définitivement comme un pan de notre civilisation occitane.

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