vendredi 12 juin 2020

D'Agatha Christie à Bugs Bunny

L'activisme pré-pubère est, on le sait, un des signes de la modernité agissante. A notre époque, on le sait aussi, le mot est pire que la chose, et il est plus simple de dénoncer que de chercher à comprendre. L'émotion ordonne et la vertu commande.
Ne serait-ce que dans le domaine littéraire ou "culturel", on avait déjà débaptisé "Les dix petits nègres" d'Agatha Christie, au motif que le mot nègre est devenu blessant : il faut ne pas avoir lu le livre pour trouver ce titre incorrect ou insultant, mais bon... A présent, c'est "Autant en emporte le vent" qui est dans le collimateur vertueux, et une plate-forme de streaming vient de retirer le film de son offre : dépeindre la vieille Amérique sudiste d'avant la guerre de Sécession, avec ses familles et sa culture de l'époque, équivaudrait à faire la promotion de l'esclavage...
Enfin, et c'est en soi un véritable gag, dans les dessins animés les partenaires de Bugs Bunny n'auront plus d'armes à feu : on verra donc Elmer le chasseur courir après le lapin...  armé d'une faux ! Les armes tranchantes, certaines communautés vous le diront, sont plus politiquement correctes que les armes à feu, comme ce vieux tromblon enfumé d'Elmer. On se demande si le ridicule ne serait pas plus meurtrier. Il est des hommes d'affaires qui visiblement ne croient guère à l'intelligence de leurs clients ; peut-être n'ont-ils pas tort, mais...
On peut toujours comprendre les motivations, bonnes ou mauvaises, de tout cela. Il n'empêche que ces pratiques rappellent furieusement la propagande stalinienne. Et à vouloir corriger le passé, on ouvre la voie aux révisionnistes de demain. Que le temps puisse faire évoluer le regard sur une oeuvre, rien de nouveau à cela. Mais de quel droit réécrit-on l'oeuvre d'un créateur au nom de la morale et du bien, concepts les plus arbitraires qui soient ?
Il est vrai que quand la vertu commande la mauvaise foi peut rapporter gros.

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