jeudi 17 mars 2022

Lecture : Mohican, d'Eric Fottorino

Quelque part dans le Jura. Un père, un fils ; deux paysans, et trois générations en se rappelant du grand-père. Une histoire d'amour poignante, aussi solide que compliquée entre les deux premiers, et identique de ces deux envers la terre qui abrite la famille depuis la nuit des temps.

Le père a été un agri-entrepreneur du XXème siècle, qui croyait que le Progrès ferait le bonheur des paysans et de l'humanité affamée : il est en train d'en mourir, littéralement empoisonné. Le fils est critique, et entretient avec la terre et la nature un rapport plus fusionnel et respectueux, plus écolo pourrait-on dire. Rapport compliqué entre les deux, donc, mais à la fin c'est la modernité qui décide : face à l'endettement, le père malade succombe aux sirènes d'un promoteur d'éoliennes. Il en résultera une double mort, celle du père et celle de la ferme.

Le livre a connu de bonnes critiques à sa sortie. Je craignais d'y retrouver un peu trop de manichéisme citadin et d'idées à la mode : force est de reconnaitre que Fottorino sait de quoi il parle. L'ancien journaliste chargé en son temps de la rubrique "Agriculture" du Monde (dont il deviendra directeur) connait les paysans, la planète agricole, les marchés et l'histoire de l'agriculture contemporaine. Il sait aussi bien décrire un vêlage ou le montage d'une éolienne que la vie quotidienne dans une ferme. Il sait les ambivalences des projets et des politiques menées, hier productivistes et aujourd'hui ripolinisées de vert. Quiconque aura connu de près cette période et cet univers -et c'est mon cas- conviendra que l'auteur a une vision juste, lucide et honnête. 

L'écriture est belle, l'hsitoire est puissante ; il n'y a pas que des bons sentiments, d'où sans doute une bonne littérature. Peut-être, vers la fin du livre, le plaisir de la poésie et le souci d'une happy-end n'évitent pas toujours une forme de naïveté : la mélancolie était plus parlante. Mais l'essentiel tient dans ce vieux monde paysan qui ne veut pas mourir ; le père s'y voulait moderne, le fils entend y retrouver la fidélité aux vieux morts. Pour le premier, le Progrés s'avançait paré de généreux oripeaux promettant de nourrir toute la planète ; pour le second, il s'approche habillé des meilleures intentions, celles de stopper la malbouffe et de sauver ladite planète.

Par le passé, les bonnes intentions ont bien souvent pavé l'enfer. Qu'en sera-t-il demain ?

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