samedi 17 septembre 2022

Lectures : L'homme peuplé, de Franck Bouysse

Ne cherchez pas ce titre sur les listes des Prix : ni le Goncourt, ni le Renaudot, ni le Femina, ni le Médicis, ni... Malgré de bonnes critiques qui l'ont accueilli, les lois du marketing ont du passer par là. Mais pour ce qui est de la littérature, l'homme peuplé, de Franck Bouysse (Albin Michel), mériterait bien une distinction. Il témoigne du talent et de la maturité d'un auteur qui fait son oeuvre, ou plutôt qui creuse son sillon...

Car, par origine et par nature, Franck Bouysse est un écrivain rural. Ses racines, sa sensibilité, son style et les petits détails rustiques qui émaillent le récit prouvent son authenticité. Mais, fût-il corrézien, ce n'est pas un écrivain de "terroir" dans la tradition de l'Ecole de Brive. "Parle de ton village et tu seras universel", proclamait Tolstoï : c'est ce que fait le livre de Bouysse. Le pitch, autour de deux personnages : un écrivain en panne d'inspiration s'enferme dans la vieille maison qu'il vient d'acheter dans la campagne limousine, qui l'accueille sans enthousiasme, et se heurte à la présence d'un voisin paysan, marginal, taciturne, guérisseur, sorcier, plus ou moins jeteur de sorts... A partir de là, quelques détails finement mouchetés construisent peu à peu une atmosphère et une narration dramatique.

C'est un vrai roman, bien écrit, bien "senti", maitrisé, ambitieux, avec ce qu'il faut de digressions et d'universalité. Mais le style de Franck Bouysse évoque celui des conteurs de jadis, comme le Limousin en comptait tant. Et ce que le critique contemporain analyse comme du fantastique et de l'irrationnel surgit tout droit d'une certain tradition orale rurale, plus riche de symboles que franchement inquiétante. Le surnaturel, les fantômes, l'onirisme sont parfois un peu déroutants mais ils sont l'univers de cette terre. L'ambiance est âpre, le réel est rude mais c'est le réel.

Le livre de Bouysse échappe aux modes et à la péremption. Il est le fruit d'un auteur qui s'impose et dont le style est une signature. Avec ou sans Prix littéraire, il faut lire L'homme peuplé.

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