samedi 19 novembre 2022

Debray, Nora, quand les dinosaures pensaient...

Ils ont pensé, écrit, débattu... et vécu : 90 ans pour Pierre Nora, 80 pour Régis Debray. Ils n'ont pas toujours été amis, loin s'en faut, mais ils ont fini par le devenir ; l'un, issu d'une famille de droite gaulliste, a entamé un parcours de révolutionnaire, avant de se ranger sous les ors du mitterrandisme et du sérail germanopratin. L'autre, issu d'un famille juive de gauche modérée, a fait oeuvre d'historien et d'éditeur dans le même sérail, n'a pas refusé les honneurs et a logiquement fini à l'Académie française. Longtemps opposés, ils se sont rapprochés voilà plus de trente ans : peut-être se sont-ils simplement rencontrés, autour d'une certaine idée de la culture et de la réflexion.

Réunis chez leur éditeur Gallimard pour le Figaro (du 14 novembre), les deux complices rompent encore quelques lances, avant de se souvenir des décennies flamboyantes, quand Paris où ils s'activaient était la capitale mondiale de la pensée. Et d'évoquer, entre autres figures, Duby, Furet, Ozouf, Foucault... Les intellectuels de l'époque étaient animés par une tradition humaniste et littéraire, par un rapport au civisme et au collectif (révolution ou sens de l'Etat) et par l'apport déterminant des sciences humaines (psychologie, histoire ou linguistique) à la science tout court. Quels qu'aient été ses résultats, la pensée fleurissait.

On attendait donc le grand soir, et ce fut Internet. Et avec lui l'individualisme, l'inculture et le cynisme. L'image a supplanté l'écrit, le tweet a valeur de conférence, l'émotion prime sur la raison et l'influenceur a remplacé le penseur. Le tout sur fond de matérialisme consumériste et d'ignorance.

Au delà des différences de vue qui perdurent entre Nora et Debray, ils font tous deux le même constat, celui d'un siècle révolu, pour ne pas parler de civilisation. Quand planaient les valeurs de l'imprimerie, la culture et l'éducation, quand la politique commandait encore à l'économie, quand la conscience de l'humain résistait à une rationalité de pacotille et de tiroir-caisse... Et oui, bien souvent, c'était mieux avant. Lisez l'article en question, vous comprendrez pourquoi.

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