mercredi 9 novembre 2022

Goncourt 2022 : marketing, affairisme et politique...

D'année en année, le Prix Goncourt se révèle être ce qu'il est : une (grosse) affaire, de moins en moins littéraire et de plus en plus financière, mondaine et foutraque. Le Prix 2022 a été attribué à Brigitte Giraud, au bout d'un psychodrame qui risque de laisser des stigmates : deux groupes irréductibles se sont affrontés pendant 14 tours de scrutin, jusqu'à ce que la voix du Président, comptant double, ne décide du bénéficiaire du jackpot. Et pourtant... le cafouillage demeurera complet.

Les tractations préliminaires avaient accouché d'une dernière liste de quatre auteurs : Guiliano da Empoli, Cloe Korman, Makenzie Orcel et Brigitte Giraud. Mais le livre de C. Korman, Presque soeurs, est tombé ces derniers jours dans la tourmente d'une polémique inconcevable pour un Prix. Exit Korman. L'écriture de Orcel est, de l'avis général, talentueuse mais trop ardue et trop absconse pour en faire un bon (c'est-à-dire grand public et rentable) Goncourt. Exit Orcel. Restent donc da Empoli et Giraud. Le Président Decoin a énoncé l'an passé un principe sien qui consiste à écarter du Prix un ouvrage déjà primé, afin que la distribution puisse valoriser deux livres au lieu d'un seul : or da Empoli a déjà obtenu le prix de l'Académie française. Certes, rétorquent les partisans de ce dernier, mais ce n'est pas contraire aux statuts, qui par contre réclament de récompenser une oeuvre d'imagination, et le livre de Giraud n'en est pas vraiment une. Balle au centre.

Et c'est ainsi que le vote bloqué à cinq voix contre cinq va durer jusqu'au quatorzième tour. Il se murmure que les deux clans irréconciliables se seraient récemment créés à propos d'une manifestation du jury Goncourt au Liban, sur fond d'antisémitisme d'un ministre libanais qui avait dissuadé du déplacement la moitié de ce jury. A ma droite, Ben Jelloun, Assouline, Rambaud... A ma gauche Decoin, Claudel, Schmitt... Quoi qu'il en soit, tous les arguments y passent : parité, diversité, etc... Et Brigitte Giraud dispose d'un argument massue : c'est une femme. Peu importe que l'écriture soit blanche, le style plat, la construction facile.

Moitié par élimination, moitié par argutie réglementaire (la voix qui compte double), c'est donc Brigitte Giraud qui sera le Prix Goncourt 2022 : de quoi relancer des ventes très modestes jusque là. Mais à moins que le jury ne se recentre enfin sur la qualité au lieu du politiquement correct, la bataille de 2022 risque de faire saigner encore longtemps.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire