mercredi 22 mars 2023

Les Hussards, mythe et réalité

Depuis trois quarts de siècle, le monde littéraire évoque régulièrement l'épopée du groupe des "Hussards", ainsi nommés par Bernard Frank en référence au Hussard bleu de Roger Nimier, reconnu comme le chef de file du groupe supposé.

Pour tout savoir sur eux, on peut se référer à l'essai de Marc Dambre, Génération Hussards, histoire d'une rebellion en littérature (Perrin) : 400 pages denses, touffues, pour un ouvrage pas toujours fluide mais bien nourri. Et d'où il ressort que le groupe n'a jamais existé. Certes il y a bien les trois historiques -Nimier, Laurent, Blondin, parfois agrémentés de Déon- qu'on pourrait définir comme "un courant littéraire de droite antigaulliste", et d'autres plus anecdotiques, placés sous le patronage utile mais encombrant de Morand et de Chardonne. Et si ces trois ou quatre mousquetaires, tous de bonne famille et orphelins d'une guerre qu'ils n'ont pas faite, se croisent et se reconnaissent au fil des ans, ils ne se veulent pas un groupe : si Nimier et Blondin sont amis, Laurent n'aime ni l'un ni l'autre. Et Déon vit sa vie.

Sur le plan politique, outre le rejet du communisme et la fidélité à Vichy, voire à l'Action française, il n'y a guère de consistance jusqu'à ce que la politique algérienne de "Gaulle" ne les réunissent tous dans un antigaullisme féroce. Quant à leur réussite, elle tient aussi du mythe. Nimier, disparu prématurément, ne laisse que deux ou trois titres, Laurent connaitra surtout le succès sous pseudonyme avec Caroline chérie, avant son Goncourt en 71 ; Blondin en dehors du magnifique Un singe en hiver laissera surtout une trace de chroniqueur sportif. Au total, quelques bons livres pour une production assez modeste, et beaucoup de journalisme.

Que retenir aujourd'hui de ces fameux Hussards ? Ce fut sans doute, comme l'écrit M. Dambre, une rebellion en littérature, contre le pouvoir de la gauche intellectuelle à la Libération, et le sujet de l'engagement que celle-ci prônait. De l'anticonformisme libertin donc, un style, le sens du dandysme et de la fête, mais cela n'a rien d'exclusif ni ne fait une école littéraire.

On a bien essayé de trouver des héritiers aux mousquetaires, avec Modiano, Besson, Tillinac et d'autres postérités hasardeuses, mais qui ont tous volé de leurs propres ailes et de leur propre talent. Il reste de l'histoire des Hussards une référence historique et culturelle pour l'extrême-droite et un clin d'oeil pour tous ceux qui préfèrent la virtuosité d'un style aux pensums idéologiques, fussent-ils nobélisés. Mais le livre de Marc Dambre confrme bien que le mythe, entretenu dès le départ et amplifié par le romantisme et la mort de NImier, que ce mythe sonne finalement un peu creux.

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