lundi 29 janvier 2024

Tesson, la poésie, la frénésie...

 Il fallait bien que je donne un avis sur cette triste affaire du Printemps des poètes. Triste ? voire. Ou marrante, pathétique, dérisoire, nulle... comme vous voudrez.

Rappelons les faits, comme on dit : voilà quelques semaines, une pétition parue dans Libé, qu'on a connu mieux inspiré, réclame le rejet de Sylvain Tesson de la présidence du Printemps des poètes, au titre qu'il ne serait pas un poète mais bien "une icône de l'extrême-droite", qu'il banaliserait. Une contre-offensive viendra, de la droite et de quelques ministres pour voler au secours de l'écrivain ostracisé, argant que les 1200 signataires de la pétition, poètes de leur état, étaient à une ou deux exceptions près d'illustres inconnus, forcément animés par l'aigreur, la rancoeur et la jalousie.

Le temps faisant comme souvent son oeuvre, il apparait ces jours-ci que la cabale visait aussi Sophie Nauleau, la directrice artistique du Printemps, qui vient d'ailleurs de démissionner. Bref, le sujet de société était surtout un règlement de comptes germanopratin. Nous verrons bien de quoi l'avenir sera fait et ce que l'Histoire en retiendra.

Il n'empêche : cette histoire en dit long sur notre époque. Non pas que les polémiques soient nouvelles : la mobilisation de l'extrême-gauche contre des personnalités de droite n'est pas nouvelle, pas plus que l'inverse ; la droite n'a pas vraiment applaudi le Nobel d'Annie Ernaux... Qui se souvient des années 70 trouvera même nos tempêtes dans un verre d'eau bien médiocres et fort plates. Mais une fois encore, l'inculture historico-politique de notre temps s'étale douloureusement dans des postures cul par dessus tête. On est habitué -et c'est là le danger- à ce qu'une droite, extrême si l'on veut, se fasse le chantre de la liberté et de la démocratie, alors qu'elle incarne de tout temps le parti de l'Ordre, souvent musclé ; et symétriquement je trouve désolant -et le mot est faible- les réflexes staliniens digne des procès de Moscou, que sont capables d'afficher des gens qui parlent au nom de la culture et de la liberté. Là, comme dans d'autres domaines, ceux qui invoquent volontiers un idéal libertaire appellent à l'exclusion, à la Loi, à la Police, à la Justice, au pilori...

"Poètes, vos papiers !" chantait Léo Ferré. Un demi-siècle plus tard, ce sont précisément des poètes qui appellent à la censure. Il est temps de se retirer sous notre tente.

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