mardi 30 septembre 2025

Châteaux cathares ou forteresses royales, l'esprit ou la lettre...

 Un grand débat anime actuellement le sud du pays et en particulier le Languedoc et les Pyrénées. Pour complaire à un classement de l'Unesco, ce qu'on appelait les châteaux cathares devraient être rebaptisés forteresses royales. Mais l'enjeu dépasse le nom.

Certes, les bâtisses que l'on peut voir et visiter n'ont rien de cathare, attendu qu'elles datent du XVIème siècle, et qu'elles ont été construites par les rois de France pour se garder des Espagnols. Il n'en demeure pas moins que ces sites sont des sites cathares (XIIème et XIIIème siècles) marqués par la répression qui mit fin à "l'hérésie"... et à l'autonomie des états des comtes de Toulouse. On peut donc avoir deux lectures : celle de l'histoire cathare, capitale pour l'histoire de ces régions, et celle des bâtisses érigées trois siècles plus tard, dont l'intérêt n'est pas flagrant, autrement que sur le plan spectaculaire. Y aurait-il eu d'ailleurs des forteresses s'il n'y avait eu auparavant des châteaux cathares ? peu probable...

Donc sur ces lieux s'affrontent l'esprit (l'histoire cathare qui fait la richesse des sites) et la lettre (les constructions du XVIème siècle). J'ai personnellement toujours plaidé en faveur du premier, qui illustre bien plus que la seconde. Après tout, nombre de nos bâtiments historiques qui font la fierté de la France ont été moultes fois reconstruits, le Louvre par exemple, sans qu'on n'en modifie ni le nom ni le symbole. De la même façon, lorsqu'on restaure un tableau on ne substitue pas le nom du restaurateur à celui du peintre. Et il est généralement convenu que celui qui regarde le doigt quand on montre la lune n'est pas un aigle de la pensée.

Si ce n'est pas l'esprit et la lettre qui s'affrontent peut-être est-ce la culture et l'administratif ? Mais certains voient plus profond, ainsi les propos d'un "spécialiste" qui plaide en faveur de l'appellation forteresse au nom de raisons "scientifiques"... L'expérience montre que quand on utilise ce mot pour clore définitivement un débat c'est que les arguments font défaut.

Bref chacun se fera sa propre idée, sachant que l'Unesco commande. Pour ma part je choisis la culture et l'esprit, et la fidélité à l'histoire qui est la nôtre.

mercredi 24 septembre 2025

Lectures : Comme un père, de Christian Authier

 C'est le dernier roman de Christian Authier, dont j'avais déjà commenté sur ce blog (septembre 2018) l'excellent Des heures heureuses (Flammarion). Paru aux éditions du Rocher, Comme un père s'inscrit dans la même veine. Un fils dont le père a disparu quand il avait cinq ans voit son géniteur resurgir à l'improviste après plus de vingt ans d'absence totale. Ce père inconnu s'avère caricatural : flambeur, baratineur, squatteur, vieux beau, immature, vulgaire, beauf et on en passe. Pourtant cet insupportable ne parvient à être complètement antipathique, aussi son fils ne le rejette t-il pas d'emblée. Les mois passent autour d'une découverte réciproque, jusqu'à ce qu'une amie de la famille n'éclaire le fils sur les circonstances de la disparition du père. Mais cette révélation ne sera pas anodine...

Au delà du pitch, on retrouve sous la plume de Christian Authier la magie de Toulouse, d'excellents portraits au scalpel, et la férocité dans la satyre d'une certaine bourgeoisie. Et toujours la même flamboyance du vin, dont l'auteur parvient à faire un authentique personnage dans la narration. On retrouve également beaucoup de tendresse pour les deux personnages principaux, un certain désenchantement propre à l'auteur et finalement beaucoup de nostalgie pour une ville et pour une époque.

Je ne sais pas si le livre passera à la postérité, dans le flux de livres qui balaie notre époque, mais c'est assurément un livre sympa.

jeudi 18 septembre 2025

Lecture : Langues régionales, idées fausses et vraies questions

 Au commencement était Benjamin Morel, le jeune et sémillant constitutionaliste qui squatte les plateaux de chaines d'info. En 2023, il avait publié aux éditions du Cerf son livre La France en miettes (reprenant curieusement un titre de Philippe Bilger paru chez Fayard dix ans plus tôt) finement sous-titré Régionalismes, l'autre séparatisme. Le livre de Morel m'avait à l'époque exaspéré, non pas tant pour son jacobinisme pseudo-républicain qe par son ramassis de propos de comptoir, indigne du brillant universitaire qu'il me paraissait être. Il me semble peu probable que Morel ait trouvé le temps d'écrire ce pamphlet mais il l'a signé et endosse ainsi la responsabilité d'une publication aussi caricaturale que médiocre.

Je n'ai pas été le seul à être surpris et heurté par ces écrits, puisque voilà quelques mois deux chercheurs réagissaient et publiaient en réponse Langues régionales, idées fausses et vraies questions, aux éditions Héliopoles. Rozenn Milin est bretonne, Philippe Blanchet Lunati est provençal, et tous deux ont connu et connaissent la réalité et la place des langues régionales. Leur propos n'est ni militant ni littéraire et reste un travail de chercheur et de scientifique, qui entend répondre factuellement à tout un tas d'a priori en déconstruisant idées reçues, propos de bistrot et fausses données, et de ce point de vue le livre de Morel est un punching-ball parfait. Ils se posent certes en défenseurs de ces langues régionales, et leur ouvrage est un excellent argumentaire en leur faveur, mais dans une démarche constructive et apaisée. Ils démontrent au  passage qu'une politique linguistique équilibrée respectueuse des langues et de la diversité n'est en rien hostile à la langue française, langue commune mais pas unique. Au contraire même, pourrait-on ajouter, à une époque où cette langue française subit à son tour la voracité de l'anglais...

Et, contrairement à Benjamin Morel, Milin et Blanchet connaissent le sujet.