Au commencement était Benjamin Morel, le jeune et sémillant constitutionaliste qui squatte les plateaux de chaines d'info. En 2023, il avait publié aux éditions du Cerf son livre La France en miettes (reprenant curieusement un titre de Philippe Bilger paru chez Fayard dix ans plus tôt) finement sous-titré Régionalismes, l'autre séparatisme. Le livre de Morel m'avait à l'époque exaspéré, non pas tant pour son jacobinisme pseudo-républicain qe par son ramassis de propos de comptoir, indigne du brillant universitaire qu'il me paraissait être. Il me semble peu probable que Morel ait trouvé le temps d'écrire ce pamphlet mais il l'a signé et endosse ainsi la responsabilité d'une publication aussi caricaturale que médiocre.
Je n'ai pas été le seul à être surpris et heurté par ces écrits, puisque voilà quelques mois deux chercheurs réagissaient et publiaient en réponse Langues régionales, idées fausses et vraies questions, aux éditions Héliopoles. Rozenn Milin est bretonne, Philippe Blanchet Lunati est provençal, et tous deux ont connu et connaissent la réalité et la place des langues régionales. Leur propos n'est ni militant ni littéraire et reste un travail de chercheur et de scientifique, qui entend répondre factuellement à tout un tas d'a priori en déconstruisant idées reçues, propos de bistrot et fausses données, et de ce point de vue le livre de Morel est un punching-ball parfait. Ils se posent certes en défenseurs de ces langues régionales, et leur ouvrage est un excellent argumentaire en leur faveur, mais dans une démarche constructive et apaisée. Ils démontrent au passage qu'une politique linguistique équilibrée respectueuse des langues et de la diversité n'est en rien hostile à la langue française, langue commune mais pas unique. Au contraire même, pourrait-on ajouter, à une époque où cette langue française subit à son tour la voracité de l'anglais...
Et, contrairement à Benjamin Morel, Milin et Blanchet connaissent le sujet.
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