vendredi 12 janvier 2018

Bagatelles pour des pamphlets

Ainsi donc, Gallimard renonce à ré-éditer les pamphlets de Céline. Après moultes affirmations de sa détermination, le PDG capitule en rase campagne. Si ce projet n'était qu'une opération de com', on peut le considérer comme réussi, mais à quel prix ? Et si le programme était sincère, peut-on aujourd'hui parler de censure ? Nul ne contestera que les protestations de Klarsfeld et du Crijf étaient légitimes, à défaut d'être opportunes, mais en matière d'antisémitisme n'est-ce pas une rafale que les opposants se sont tirés dans le pied ?
Car enfin, quels étaient les véritables enjeux ? On sait que ces pamphlets, qui entreront dans le domaine public en 2031, sont d'ores et déjà, et depuis longtemps, disponibles sur les quais et surtout sur Internet et que ceux qui désirent en connaitre le contenu le connaissent déjà. Sont-ils susceptibles, comme on nous le dit, de servir de supports à l'antisémitisme ambiant ? Allons donc. On voit mal les crânes rasés (et vides) de l'extrême-droite ou les islamo-gauchistes (et illettrés) des banlieues se ruer sur des livres sans image, et d'ailleurs leurs certitudes sont déjà acquises. Quant à un éventuel "grand public", qui peut croire qu'il prendrait aujourd'hui au pied de la lettre les propos céliniens ? Je ne dis pas que Céline faisait du second degré, mais l'hystérie stylistique (et idéologique peut-être) qui est la sienne est assez caractéristique pour que personne n'y trouve la moindre prétention objective ou didactique, sinon prosélyte. La plus élémentaire capacité de discernement permet de cerner la théâtralisation de l'expression, sans qu'on ait même besoin de connaitre le Voyage au bout de la nuit pour mettre de l'ordre dans les idées supposées de Bardamu...
Bref, l'affaire est donc pliée, et les pourfendeurs d'un antisémitisme bien commode ont gagné. En attendant la prochaine tentative ? nous verrons bien. Cela étant, quel est le bilan de cette agitation ?
Lorsqu'on lit les commentaires, non pas ceux des réseaux sociaux, dont on imagine aisément le contenu, mais ceux accompagnant les articles de publications modérées et respectables, c'est le même constat qui prévaut : une communauté a énoncé ce qui pouvait être publié et ce qui ne le pouvait pas. Chacun appellera cela comme il voudra. Mais ce constat nous renvoie à d'autres débats très actuels et fournira autant d'arguments à des prêcheurs de mauvaise aventure, d'une autre communauté, qui eux sont bel et bien ouvertement antisémites.
A vouloir chasser le refoulé, il est dans l'ordre des choses de le voir revenir au galop. A trop satisfaire quelques intérêts catégoriels et immédiats, il est courant que finalement tout le monde perde beaucoup.


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