mardi 9 novembre 2021

Enfoirés et bouquinistes

En ce début novembre, Brive accueille le petit monde de la "République des Lettres" -républicain probablement, lettré est une autre histoire- venus faire la foire. Et s'encanailler après la fermeture. Bref, l'univers du livre fait la fête.

Pourtant, le danger rôde, qui lui est resté à Paris. Un danger bien de chez nous, bien de notre époque, qui décime les bouquinistes des quais de Seine. Depuis le XVIème siècle, ils ouvrent leurs boites vertes, repues de livres lu et relus, qui font encore le bonheur de l'amateur en satisfaisant sa curiosité et son goût des lettres. Un repaire ou une caverne d'Ali-Baba pour ceux qui aiment les livres, leur histoire et leur contenu, petit prix à la clé. Certes il s'y trouve bien quelques brebis galeuses, vendeuses de tours Eiffel et de souvenirs pour touristes -généralement reléguées en bout de quai- mais qui n'enlèvent rien à l'identité du métier.

Seulement voilà, on n'échappe pas à son époque. Il y eut d'abord des mois de manifestations de Gilets jaunes peu propices aux affaires. Puis vint le Covid, ses confinements, ses portes fermées aux touristes et ses interdits de toute sorte. Et, comme partout, des odeurs d'avenir incertain. Trois années qui en auront incité beaucoup à mettre la clé sous la porte. A tel point que la Mairie de Paris, qui concède les boites, lance une campagne de recrutement...

On ne fait pas ce métier pour l'argent, les bouquinistes gagnant entre cinq et dix euros par jour, jour souvent passé dans le grand froid, la pluie ou la canicule. On le fait par amour des livres, et c'est ce que le touriste étranger nous envie. Car si le volume d'affaires ou les rémunérations sont dérisoires au temps de la start-up nation, l'impact sur les devises du tourisme parisien est loin d'être anecdotique.

Ce dernier argument ne peut être ignoré, et c'est celui avec lequel le métier se défendra. Et pourtant, plus simplement, les bouquinistes incarnent quatre siècles d'Histoire de France, quatre siècles de culture française : mais de quel poids cela pèse-t-il aujourd'hui ?

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