vendredi 6 octobre 2023

De la castration en littérature, ou l'auto-censure préventive...

 L'époque, on le sait, est pour les écrivains celle des sensitivity readers, ces consultants-commissaires politiques qui étudient avant publication les textes desdits écrivains pour vérifier qu'il ne s'y trouve rien susceptible de déplaire à quiconque. L'Histoire a toujours été friande de censure : celle musclée de la police, ou celle plus policée (!) des imprimatur en tout genre. Sans oublier l'auto-censure, sans doute la plus rémanente. Nous voilà aujourd'hui rendus à l'auto-censure préventive.

Mais le plus incroyable dans tout cela, c'est qu'un écrivain puisse se vanter d'y avoir eu recours : ainsi l'auteur canadien Kevin Lambert s'est-il gargarisé d'avoir soumis son dernier livre à un contrôle de SR. Son propos est d'autant plus atterrant que Kevin Lambert semble par ailleurs plutôt intelligent, à défaut d'être original. On peut comprendre la pratique, vue du côté éditorial soucieux d'éviter les procès ou de heurter un segment de clientèle. Mais du point de vue de l'écrivain on s'interroge : est-ce par stupidité ? par démagogie ? par bassesse ? par cynisme commercial ?

On veut bien entendre la pression, wokiste en l'occurence, de certains phénomènes contemporains. Mais y céder installe l'impossibilité de créer et de témoigner de son époque, ce qui est quand même une des principales raisons d'être de la littérature. Et il faudrait désormais réécrire des oeuvres anciennes pour les faire convenir aux modes actuelles ou aux narcissismes communautaristes.

Pour se défendre Kevin Lambert affirme sans rire que pour lui tout cela est "l'inverse de la censure". Si quelqu'un peut m'expliquer ce que peut être "l'inverse de la censure"...

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