lundi 27 mai 2019

Une belle çonnerie...

En ces temps d'élections, il n'est pas inapproprié de poser la question "De quoi l'efficacité politique est-elle faite ?". Sans doute de qualités d'analyse, et de synthèse, de ténacité, de cynisme, de courage, etc... Mais aussi du sens de l'Histoire, du passé qui colle aux bottes et du futur qu'il faut façonner, quand le présent et sa dictature de l'instant ne laisse guère de loisir à la réflexion. Et donc de la nécessité d'une culture, politique et historique, chez le personnel politique.
Au niveau de la société, chez l'électeur lambda, le gilet jaune ou l'abonné au gaz, il y a longtemps que les titres des musiques d'Ennio Morricone se sont effacés derrière les marques de la pub qu'ils accompagnaient ; idem pour les morceaux classiques recyclés en sonneries de portable. Aujourd'hui, même sur les futures "élites" supposées, tendance Unef ou Sciences-Po, l'inculture s'est abattue et veut en imposer aux autres ; on décontextualise et on réécrit l'Histoire, entre stupidité ignorante et mauvaise foi intéressée. Les Suppliantes d'Eschyle sont ramenées à une lecture, en contresens anachronique, de campus américain du XXIème siècle, alors que la vieille pièce offre tout ce qu'il faut pour aborder l'altérité et le déracinement. Pierre Loti, Malaparte, Audiard, Voltaire lui-même, et beaucoup d'autres, voient leurs écrits relus à la mode de maintenant. L'écriture inclusive, débilité communautariste et totalitariste, participe de cette fâcheuse (fasceuse ?) tendance contemporaine à voir l'Histoire de monde à la lumière de son nombril, forcément éclairé. Et ajoutons que l'impossibilité d'user du second degré, sauf à courir de gros risques, ne relève en rien la finesse d'expression de ces débats de cornecul.
Pour en revenir aux politiques, on sait qu'ils doivent être peu ou prou en phase avec leur peuple : on ne s'étonne pas des Roujon Macquart de l'un, du Zadig et Voltaire de l'autre, ou des errements d'un porte-parole de gouvernement attribuant à Marc Bloch le concept maurrassien de pays légal-pays réel.
Il faudra hélas s'y faire : l'inculture est un pilier de la société du consommateur, qui a remplacé le citoyen, et tout autant une arme de pouvoir. A quand un ministre ou un président qui fera de Mozart ou Beethoven un auteur de sonneries de portable ? Ce jour là, restera-t-il quelqu'un pour dire, comme Bobby Lapointe, que pour une belle sonnerie c'est une belle sonnerie ?

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