vendredi 17 octobre 2025

Octobre, routine et contemplation

 Les romantiques l'ont montré, la contemplation ne doit rien à l'ennui ou à la passivité. Ainsi en ce mois d'octobre les couleurs du temps qu'il fait suffisent à me distraire, et le paysage vu de ma fenêtre est un vrai tableau. Mais je reconnais bien volontiers que la routine de l'actualité n'entrave en rien mes introspections.

La routine de l'actualité : d'abord celle de la rentrée littéraire. Aussi atone qu'elle puisse me paraitre, j'ai rarement vu un tel investissement communicationnel sur les trois titres à la mode, écrits par Emmanuel Carrère, Laurent Mauvignier et Nathacha Appanah. Ne me demandez pas les titres des livres, vous les trouverez facilement dans le premier journal venu. L'autre routine vient de la politique, quand les gouvernements culbuto de Lecornu vont et viennent, selon une tradition désormais bien établie. Seul élément de stabilité : Rachida Dati inamovible à la Culture. C'est la même Dati, autre routine, dont les frasques s'ajoutent à une longue liste de casseroles encore impunies faute de jugement. La routine, vous dis-je.

Alors je m'en retourne à ma fenêtre, vers le rouge des chênes d'Amérique et vers mes frênes langoureux dont la palette va du brun cuivré au vert émeraude, en passant par toutes les nuances de jaune citron ou orangé.

mardi 30 septembre 2025

Châteaux cathares ou forteresses royales, l'esprit ou la lettre...

 Un grand débat anime actuellement le sud du pays et en particulier le Languedoc et les Pyrénées. Pour complaire à un classement de l'Unesco, ce qu'on appelait les châteaux cathares devraient être rebaptisés forteresses royales. Mais l'enjeu dépasse le nom.

Certes, les bâtisses que l'on peut voir et visiter n'ont rien de cathare, attendu qu'elles datent du XVIème siècle, et qu'elles ont été construites par les rois de France pour se garder des Espagnols. Il n'en demeure pas moins que ces sites sont des sites cathares (XIIème et XIIIème siècles) marqués par la répression qui mit fin à "l'hérésie"... et à l'autonomie des états des comtes de Toulouse. On peut donc avoir deux lectures : celle de l'histoire cathare, capitale pour l'histoire de ces régions, et celle des bâtisses érigées trois siècles plus tard, dont l'intérêt n'est pas flagrant, autrement que sur le plan spectaculaire. Y aurait-il eu d'ailleurs des forteresses s'il n'y avait eu auparavant des châteaux cathares ? peu probable...

Donc sur ces lieux s'affrontent l'esprit (l'histoire cathare qui fait la richesse des sites) et la lettre (les constructions du XVIème siècle). J'ai personnellement toujours plaidé en faveur du premier, qui illustre bien plus que la seconde. Après tout, nombre de nos bâtiments historiques qui font la fierté de la France ont été moultes fois reconstruits, le Louvre par exemple, sans qu'on n'en modifie ni le nom ni le symbole. De la même façon, lorsqu'on restaure un tableau on ne substitue pas le nom du restaurateur à celui du peintre. Et il est généralement convenu que celui qui regarde le doigt quand on montre la lune n'est pas un aigle de la pensée.

Si ce n'est pas l'esprit et la lettre qui s'affrontent peut-être est-ce la culture et l'administratif ? Mais certains voient plus profond, ainsi les propos d'un "spécialiste" qui plaide en faveur de l'appellation forteresse au nom de raisons "scientifiques"... L'expérience montre que quand on utilise ce mot pour clore définitivement un débat c'est que les arguments font défaut.

Bref chacun se fera sa propre idée, sachant que l'Unesco commande. Pour ma part je choisis la culture et l'esprit, et la fidélité à l'histoire qui est la nôtre.

mercredi 24 septembre 2025

Lectures : Comme un père, de Christian Authier

 C'est le dernier roman de Christian Authier, dont j'avais déjà commenté sur ce blog (septembre 2018) l'excellent Des heures heureuses (Flammarion). Paru aux éditions du Rocher, Comme un père s'inscrit dans la même veine. Un fils dont le père a disparu quand il avait cinq ans voit son géniteur resurgir à l'improviste après plus de vingt ans d'absence totale. Ce père inconnu s'avère caricatural : flambeur, baratineur, squatteur, vieux beau, immature, vulgaire, beauf et on en passe. Pourtant cet insupportable ne parvient à être complètement antipathique, aussi son fils ne le rejette t-il pas d'emblée. Les mois passent autour d'une découverte réciproque, jusqu'à ce qu'une amie de la famille n'éclaire le fils sur les circonstances de la disparition du père. Mais cette révélation ne sera pas anodine...

Au delà du pitch, on retrouve sous la plume de Christian Authier la magie de Toulouse, d'excellents portraits au scalpel, et la férocité dans la satyre d'une certaine bourgeoisie. Et toujours la même flamboyance du vin, dont l'auteur parvient à faire un authentique personnage dans la narration. On retrouve également beaucoup de tendresse pour les deux personnages principaux, un certain désenchantement propre à l'auteur et finalement beaucoup de nostalgie pour une ville et pour une époque.

Je ne sais pas si le livre passera à la postérité, dans le flux de livres qui balaie notre époque, mais c'est assurément un livre sympa.

jeudi 18 septembre 2025

Lecture : Langues régionales, idées fausses et vraies questions

 Au commencement était Benjamin Morel, le jeune et sémillant constitutionaliste qui squatte les plateaux de chaines d'info. En 2023, il avait publié aux éditions du Cerf son livre La France en miettes (reprenant curieusement un titre de Philippe Bilger paru chez Fayard dix ans plus tôt) finement sous-titré Régionalismes, l'autre séparatisme. Le livre de Morel m'avait à l'époque exaspéré, non pas tant pour son jacobinisme pseudo-républicain qe par son ramassis de propos de comptoir, indigne du brillant universitaire qu'il me paraissait être. Il me semble peu probable que Morel ait trouvé le temps d'écrire ce pamphlet mais il l'a signé et endosse ainsi la responsabilité d'une publication aussi caricaturale que médiocre.

Je n'ai pas été le seul à être surpris et heurté par ces écrits, puisque voilà quelques mois deux chercheurs réagissaient et publiaient en réponse Langues régionales, idées fausses et vraies questions, aux éditions Héliopoles. Rozenn Milin est bretonne, Philippe Blanchet Lunati est provençal, et tous deux ont connu et connaissent la réalité et la place des langues régionales. Leur propos n'est ni militant ni littéraire et reste un travail de chercheur et de scientifique, qui entend répondre factuellement à tout un tas d'a priori en déconstruisant idées reçues, propos de bistrot et fausses données, et de ce point de vue le livre de Morel est un punching-ball parfait. Ils se posent certes en défenseurs de ces langues régionales, et leur ouvrage est un excellent argumentaire en leur faveur, mais dans une démarche constructive et apaisée. Ils démontrent au  passage qu'une politique linguistique équilibrée respectueuse des langues et de la diversité n'est en rien hostile à la langue française, langue commune mais pas unique. Au contraire même, pourrait-on ajouter, à une époque où cette langue française subit à son tour la voracité de l'anglais...

Et, contrairement à Benjamin Morel, Milin et Blanchet connaissent le sujet.

vendredi 29 août 2025

Rentrée à mères

 L'été ayant fait son œuvre, c'est l'heure de la rentrée littéraire, avec son cortège de favoris, ses tendances, et son déchainement des attaché(e)s de presse. Ainsi trouve-t-on en première ligne l'inévitable Amélie Nothomb (avec cette année Tant mieux, un roman sur sa mère), Emmanuel Carrère (avec Kolkhoze, un récit autour de sa mère), mais aussi Raphaël Enthoven (avec un livre L'Albatros à propos de sa mère), Régis Jauffret (Maman, ça parle de sa mère) ou Justine Lévy, qui n'est pas qu'une fille à papa puisque elle évoque sa mère dans Au grand jamais... La liste n'est pas exhaustive. Quant au bilan, selon les critiques qui disent avoir lu ces titres, il va de touchant à pleurnichard.

J'en déduis que l'espionnage industriel fonctionne bien du côté de Saint-Germain des Près, ou que le marketing littéraire tourne à plein régime. Il y a quelques décennies, le personnage de la mère était la star des cabinets psy. Puis l'évolution de l'idée de maternité et le néo-féminisme ambiant ont contribué à détourner le regard et à  enfumer l'introspection, et l'expression contemporaine des névroses classiques a fait passer la mode. Mais la destruction d'un thermomètre n'ayant jamais fait baisser la moindre fièvre ou guéri la moindre maladie, le refoulé semble revenir aujourd'hui sous des formes plus hystérisées.

Alors certes, même littérairement le sujet est inépuisable et la veine pourrait durer, jusqu'à ce que notre marketing du livre capte un nouveau filon porteur. Mais d'ici là, néanmoins, n'est pas Romain Gary qui veut.

lundi 11 août 2025

Grande Sirène et petit pompier

 Le Danemark est la patrie des sirènes, on le sait depuis Amundsen. La petite Sirène de celui-ci est donc immortalisée par une statue dans le port de Copenhague : trop petite aux yeux des touristes. On en a donc érigé une autre plus grande dans le port de Dragor, voilà vingt ans. Et c'est celle-ci qui fait aujourd'hui polémique.

Car le sculpteur s'était fait plaisir à doter sa création d'une poitrine monumentale, opulente et généreuse, pleine et arrogante. Et c'est là que convergent les critiques névrotiques de notre époque si moderne et si sensible à l'exposition du corps féminin dans l'espace public, selon la formule consacrée. On aurait pu s'en tenir à une critique artistique de la chose, et constater que la petite sirène est plus belle que la grande. Mais non, l'Agence danoise de la Culture envisage de la faire disparaitre, sous une triple pression. Celle de droite, réac, qui dénonce une immoralité pornographique ; celle des religieux, qui y trouvent une atteinte vulgaire au puritanisme protestant ; celle de gauche, d'inspiration wokiste, qui y voit le symbole du désir masculin patriarcal. Où l'on voit que l'Art peut cristalliser bien des névroses, même aujourd'hui. Avec cet argument définitif : la poitrine de la Grande Sirène de Dragor serait discriminante pour toutes les femmes, et elles sont nombreuses, qui sont moins bien loties.

On ne peut que s'incliner, et il n'y a pas de raison que les hommes ne puissent prendre le même chemin. Je propose donc que désormais les rôles de James Bond soient réservés aux acteurs de type Bourvil ou de Funès, Jugnot à la rigueur. Et que les Bond girls se cantonnent à des profils Balasko ou Robin. Il devrait y avoir beaucoup moins de discriminés.

Et c'est ainsi qu'Allah est grand, aurait conclu Vialatte.

Pour terminer, un mot sur la France estivale : on s'y écharpe pour savoir si la fellation sur Patrick Sébastien pendant un concert (?) dans un camping du Cap d'Agde était simulée ou non. On s'en fout, me direz-vous non sans raison : ça n'a aucune importance et aucun rapport avec le sujet des sirènes. Mais c'était pour justifier le titre de ce billet.

mardi 5 août 2025

Déjà parus

 Au cœur de l'été un petit rappel de mes publications...


     . L'âme des chemins creux, mémoires d'un sud - Elytis 2021

     . Les saints des derniers jours - l'Harmattan 2018

     . Le répountchou qu'es aquò - Vent Terral 2017 (avec AM Rantet-Poux)

     . Mona Lisa ou la clé des champs - L'Harmattan 2014

     . Passeport pour le Pays de Cocagne - Elytis 2012 (avec AM Rantet-Poux)

     . Aveyron Croatie, la nuit - L'Harmattan 2011

     . Histoires peu ordinaires à Toulouse - Elytis 2007

     . Histoires peu ordinaires au Cap Ferret - Elytis 2006

     . Week-end à Schizoland - Elytis 2005

     . La Branloire pérenne - Elytis 2002

En vente dans toutes les librairies, chez l'éditeur ou chez l'auteur. Et en e-book pour les titres parus chez l'Harmattan.

mardi 29 juillet 2025

Bananes

 Ces derniers jours ont été prolixes en références bananières. Il y eut tout d'abord  celle de Maurizio Cattelan qui s'est faite bouffée une nouvelle fois, au Centre-Pompidou de Metz. Cette fameuse banane scotchée contre un mur vaut, rappelons le, plus de six millions de dollars à la bourse de l'art contemporain. Mais je m'arrête là, j'ai honte d'avoir parlé de ce machin.

Autre régime, celui qui ondulait autour des hanches de Joséphine Baker, disparue voilà cinquante ans. Sur l'œuvre et les bananes de JB, chacun peut avoir un avis ; sur JB elle-même, qui fut une vraie résistante, l'Histoire retiendra qu'elle valait mieux que sa carrière de vedette, aussi talentueuse soit-elle, ou du moins qu'un grand respect s'impose de par son engagement.

A propos d'engagement, il n'est pas de jour qu'une célébrité, ou semi-célébrité, ne twitte quelque chose en soutien à Gaza, et l'actualité déborde de drapeaux palestiniens, de déprogrammations, de slogans. Que ces artistes soient sincères, c'est possible ; que leur prise de position soit efficace et utile aux gazaouis, c'est plus douteux. Mais l'occasion apparait trop belle d'avancer des banalités qui, comme chantait Brassens, vous valent à coup sûr les honneurs des gazettes. Et le peuple palestinien, dont les malheurs n'ont pas commencé en octobre2023, mérite mieux que cette instrumentalisation.

Et on se dit que la banane de Cattelan aurait été plus utile à Gaza.

lundi 7 juillet 2025

Revues : Les Moments Littéraires

 A moins d'en être un spécialiste, il n'est pas toujours simple d'appréhender les revues littéraires. Il y en a beaucoup, on les connait mal, on les craint pédantes ou nombriliques, bref on en lit peu. Cela étant, diverses motivations ont mis dans mes mains le n° 54  des Moments littéraires, "la revue de l'écrit intime".

On y trouve, on l'aura compris, des textes -journal, aphorismes, vécus divers- touchant à l'intime chez l'écrivain ; textes signés Denis Grozdanovitch, Marcel Cohen, Christian Garcin, Daniel Arsand, Wenjue Zhang, Anne Coudreuse et Alphonse Daudet. C'est ce dernier auteur qui m'intéressait en premier lieu, pour son texte La Doulou (la douleur, en provençal) relatant le ressenti de sa souffrance liée à une maladie de la moelle épinière.

Ces textes, extraits, fragments, aphorismes sont faciles à lire ; ils sont très bien écrits et témoignent tous d'une belle subtilité dans l'auto-analyse, genre qui caractérise une partie importante de la littérature et de ses plus beaux fleurons. Chacun appréciera les différents écrits et les différentes plumes selon ses propres sources d'intérêt et sa propre sensibilité. Il n'en demeure pas moins que pour moi ce numéro des Moments littéraires a été une heureuse découverte.

www.les momentslittéraires.fr

jeudi 26 juin 2025

Lectures : L'armée des ombres, de J. Kessel, à l'épreuve du temps

 L'armée des ombres, pour beaucoup, c'est l'admirable film de Melville, ou la lancinante musique rythmant le générique des Dossiers de l'écran. Mais c'est aussi et avant tout le roman éponyme de Joseph Kessel paru en Afrique du nord en 1943. Cet hymne à la résistance allie la gravité de la période et le talent de Kessel, dans un récit fort et poignant. Mais qu'en est-il trois quart de siècle après sa parution ?

Le livre s'inscrit dans le récit national gaulliste, ou gaullo-communiste, véhiculant l'image d'une France unanimement résistante qui se serait libérée seule, à peu de choses près, du joug de la barbarie nazie. De ce point de vue, force est de constater que l'ouvrage, écrit en 43, prend de larges libertés avec la réalité historique : les français s'y pressent pour intégrer le maquis, les gendarmes sont bienveillants, le sacrifice habite les esprits... Si jusque dans les années 60 ce tableau relevait du discours officiel, le début des années 70 met à mal le cliché : Le chagrin et la pitié de Marcel Ophuls (récemment disparu) et surtout les travaux de l'historien Robert Paxton, qui établissent la réalité d'une France de moins en moins pétainiste au fil du temps mais longtemps attentiste. Pour critiquables qu'elles puissent être, ces œuvres ont contribué à faire émerger chez les historiens un consensus plus objectif.

Alors le livre de Kessel apparait aujourd'hui, nonobstant la beauté du récit et le talent de l'auteur, un peu comme une œuvre de propagande gaulliste. Faut-il pour autant s'en détourner ? Il y a en ces temps obscurs de beaux moments de bravoure, de courage, d'altruisme et de romantisme, comme seules les périodes de vérité en font éclore. Il n'est pas sûr que notre époque en secrèterait autant.

lundi 16 juin 2025

Littératures régionales : c'est Amin Maalouf qui le dit...

 Amin Maalouf est franco-libanais et surtout secrétaire perpétuel de l'Académie française. A ce titre il défend le rayonnement et l'intégrité de la langue française. Il est de bon ton de ricaner sur les académiciens, voire sur leur activité, mais reconnaissons que leur tâche est noble. C'est avec d'autant plus de plaisir qu'on appréciera le soutien de leur secrétaire perpétuel aux langues régionales.

Il vient d'écrire au Premier Ministre François Bayrou et à la Ministre de l'Education Elisabeth Borne pour leur proposer un corpus à destination des enseignants, afin de les sensibiliser à la "richesse de la production littéraire" d'autres langues que le français. Avec le Collectif pour la littérature en langues régionales, il s'appuie notamment sur un recueil de 32 textes d'auteurs, parmi lesquels Pierre Jakez-Helias (Bugale ar Republik) ou Frédéric Mistral (Mireio), le Prix Nobel de Littérature 1904.

S'il est permis de croire à un bon accueil de la part de François Bayrou, lui-même locuteur de langue d'òc et à l'origine jadis du seul texte de loi en faveur de l'enseignement de ces langues, j'ignore quel peut être celui d'Elisabeth Borne, autre destinataire, mais soyons optimistes. Reste cependant, et surtout, l'accueil réservé par les profs eux-mêmes. Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai comme un gros doute. Il y a longtemps que le jacobinisme a envahi les têtes de nos institutions et des corporatismes...

jeudi 29 mai 2025

Bastien Vivès, un symptôme

 Un saint homme peut-être pas ; mais un symptôme assurément, celui de notre société malade. Voilà des années que Bastien Vivès, auteur de BD, fait face aux procédures que lui intentent des "associations de protection de l'enfance", pour "fixation et diffusion d'images à caractère pornographique" mettant en scène des mineurs, en clair pour avoir dessiné et vendu des BD sexuellement explicites. On dénonce aussi, sans trop d'argument, une incitation au viol et, tant qu'on y est, à l'inceste.

En 2018 puis en 2020, déjà, l'affaire était classée sans suite. C'était sans compter sur l'acharnement de quelques assos, jusqu'à la session du tribunal de Nanterre ces jours-ci. Je n'ai jamais lu Vivès, ni n'en ai jamais eu envie, mais ceux qui l'ont fait parlent d'une œuvre loufoque et déjantée, outrancière, en un mot caricaturale. On peut aimer ou ne pas aimer, être mal à l'aise (c'est le but du créateur) ; on peut s'interroger sur l'intérêt de la provocation, voire sur l'ambiguïté de certains propos polémiques, et trouver cette immaturité un peu trop commerciale. Bref, ce n'est pas l'œuvre de Vivès qui m'intéresse, pas plus que l'action de ces associations. 

Reste cependant qu'en l'occurrence BV est devant les tribunaux alors qu'il n'y a pas de victime : ces êtres d'encre et de papier ne sont pas de chair et de sang. L'auteur est donc jugé, purement et simplement, pour ses dessins immoraux. Et, comme le dit son avocat Richard Malka, "au nom de la vertu on transforme un malaise en délit". Et ce en France et en 2025. Voilà qui nous ramène quelques siècles en arrière. L'Inquisition se fait moderne.

Le tribunal de Nanterre a courageusement tapé en touche en se déclarant "territorialement incompétent".

dimanche 18 mai 2025

Télérama : citius, altius, fortius

 Peut-être avez-vous, comme moi, la nostalgie du Télérama d'il y a quarante ans, qui nous aidait à ne pas regarder idiot les écrans, qui à l'époque n'étaient que de télévision. Le temps a passé, Télérama a bien changé et est devenu très moderne. Mais, rendons-lui cette grâce, il assume sa caricature. Ainsi, voilà deux jours, il nous offrait un article en forme de scoop, sur les néo-libraires : "ce n'est pas la vie que j'avais imaginé", avoueraient ceux-ci. Waouh, quelle surprise. Et ce matin, sous la plume d'Emma Poesy (!), c'est un papier d'un tout autre relief, relatif à l'émission de France-Inter Admirations littéraires, où François Sureau (pas un mauvais écrivain) a succédé à Fabrice Lucchini. On se doutait bien que Télérama ne pourrait que flinguer Sureau, trop à droite pour lui. L'amusant c'est qu'on lui reproche de ne pas avoir la verve et l'ivresse des mots de Lucchini, toutes choses dont on fustigeait celui-ci en son temps, en plus de ne pas être de gauche. Certes. Mais on critique surtout, horresco referens, son "exercice austère" et trop ardu : austère, le mot qui tue est lâché. pensez, ses admirations vont à Yourcenar, Apollinaire ou Giono. Pas de quoi enflammer les banlieues, mais pas la plus mauvaise littérature non plus nous semble-t-il. Mais sans doute pas assez "inclusif "? Nous en sommes là.

Mais le plus inquiétant est dans la conclusion, comme le venin dans la queue : Miss Poesy ne doute pas que la successeure de Sureau sera moins austère et "plus convaincante". La successure c'est... Sophie Marceau.

Misère de misère.

jeudi 1 mai 2025

Lectures : Au rêve, rue Caulaincourt, de Jacques Lambert

 Un petit livre (118 pages, Editions de Paris-Max Chaleil) dans la veine de Jacques Lambert, historien de Montmartre et des artistes de la bohème de la grande époque, dont j'avais évoqué sur ce blog voilà un an La vraie vie de bohème. L'auteur prend cette fois un repère, le café Au rêve, situé en haut de la rue Caulaincourt dans le XVIIIème arrondissement, et déroule tous les souvenirs qui peuvent s'y rattacher. Artistes de toutes disciplines, débutants ou célébrités, fidèles ou de passage, ils ont laissé leur marque, dans une adresse, une anecdote ou un souvenir : Céline, Francis Carco, Marcel Aymé, Marcel Carné et bien d'autres, jusqu'à Brel, Mouloudji, Aznavour ou Claire Brétécher...

Certains détails ou souvenirs tiennent plus du collectionneur que de l'écrivain, mais le lecteur sensible à cet univers, à ces lieux ou à ces périodes se retrouvera dans son élément. Et au delà de la nostalgie, on ne pourra s'empêcher de comparer les époques, depuis le Montmartre du début du XXème jusqu'à celui du mitan du même siècle, et jusqu'à celui d'aujourd'hui qui déçoit chaque jour davantage.

Au rêve, rue Caulaincourt n'est pas un gros livre, ni même un grand livre, mais il fait plaisir.

samedi 26 avril 2025

Littérature : Sarkosy, tome II

 Dans la famille Sarkosy, vous n'avez pas oublié Nicolas, l'ancien Président de la République ; vous l'avez d'autant moins oublié qu'il continue à défrayer régulièrement la chronique, judiciaire désormais. Les plus méritants d'entre vous se souviendront du lecteur des Roujon-Macquart ou de Roland Barthès, et plus généralement de l'abyssale culture de l'activiste politique.

Mais revenons à l'actualité. Voilà que le rejeton Louis, que son père mettait en avant pour sa com, ou à qui il voulait confier de solides responsabilités (à 22 ans et sans le moindre diplôme), le rejeton Louis donc est arrivé à maturité ; il grenouille pour trouver une sinécure électorale, court les plateaux de  télé amies et perpétue la modestie familiale. Ainsi annonce-t-il qu'il va publier en mai un ouvrage sur... Napoléon. Peu importe les ambitions-marketing qui se nichent derrière, l'essentiel est ailleurs, le vécu aussi, confie-t-il au Canard enchainé (23/04/25) : "Même si c'est vrai qu'à écrire c'était chiant à en mourir ! Sur Napoléon, vous avez toujours un connard pour affirmer l'inverse de ce que vous venez d'écrire... Il a fallu vérifier la véracité de toutes les sources !"...

Sans commentaire. On attendra donc le mois de mai pour savoir si le nègre était bon. Mais avec de tels "auteurs", l'avenir du Livre, de la littérature, de l'Histoire et de l'écriture s'annonce aussi flamboyant que celui de la Crimée et du Donbass réunis.

mardi 15 avril 2025

Lecture : De ciel et de cendres, Henri Gougaud

 Ce sera le dernier livre d'Henri Gougaud, puisque l'écrivain  occitan est parti rejoindre le monde de ses contes voilà bientôt un an. J'ai souvent évoqué sur ce blog l'œuvre de l'enfant de Villemoustaussou, ses débuts de chanteur, ses talents de parolier pour les plus grands, la magie radiophonique de ses contes, son œuvre protéiforme et universelle.

Son dernier roman De ciel et de cendres (Albin Michel) reflète assez bien celle-ci, pétri de romanesque, d'Histoire et de philosophie. L'Histoire tout d'abord, avec ses personnages sortis du Registre d'inquisition de Jacques Fournier, évêque inquisiteur de Pamiers de 1317 à 1326, de sinistre mémoire et futur Benoit XII. Le romanesque, qui fait vivre ses personnages sous la plume de l'auteur, nourri de contes et de légendes chers à Gougaud. La philosophie enfin, voire le mystique, dans lequel il est difficile de ne pas voir la sensibilité de l'auteur lui-même, à travers les digressions et les propos du greffier Jabaud qui relate cette période où l'inquisition piétine les dernières braises cathares.

De cette étrange et belle alchimie ressortira pour la postérité l'esprit et l'œuvre d'un auteur un peu oublié, alors qu'il portait en lui l'âme du sud et de la  terre d'òc, et au delà l'universalité des grands espaces des contes et légendes déjà évoqués. Je ne lui connais pas de successeur : 2024 aura été une triste année.

jeudi 10 avril 2025

Lecture, statistiques, déclin

 Chaque année, notre célèbre et glorieux Centre National du Livre publie ses études, visant à saisir le rapport entre les Français et la lecture. Il en ressort généralement de plates évidences, mais on les exploite au mieux : ainsi, à l'occasion du Covid avait-on conclu à un renouveau de la lecture. J'avais écrit ici-même, à l'époque, ce que j'en pensais. Et, las, en 2023 on constatait un retour à la normale. En 2024, la réalité est sans pitié et les chiffres imparables : sans surprise le déclin se poursuit.

Le seul chiffre positif concerne les plus de 65 ans, qui sont 2 % plus nombreux à lire. Mais chez les 35-49 ans c'est moins 8 %. Entre les deux (50-64 ans), la génération qui a vécu le passage de l'écrit vers l'écran, c'est un écroulement de moins 13 %... Par ailleurs, seuls 56 % des Français s'estiment être des lecteurs réguliers ; et 20 % d'entre eux ne lisent jamais. La baisse concerne autant le papier que le numérique. Il semble que la banalisation du télétravail, qui a dopé l'usage des écrans, ait impacté également les loisirs, donc la lecture ; il a aussi diminué l'usage des transports en commun, un des lieux privilégiés de lecture !

Bref, l'affaire est historiquement mal engagée. Ajoutons à cela un aspect plus qualitatif : la décrépitude est atténuée par la consommation des mangas et comics, ce que l'on savait déjà (merci au pass-culture). A cela s'ajoute le développement de la new romance (version moderne des séries Harlequin de jadis) pour 14 %... Certes il a toujours existé une indispensable production populaire mais, en un mot comme en cent la littérature se meurt.

Heureusement pendant ce temps là, le CNL fait des statistiques.

jeudi 3 avril 2025

Lectures : A pied d'œuvre, de Franck Courtès

 Le livre de Franck Courtès, A pied d'œuvre, (Gallimard 2023), nous conte les tribulations de Courtès Franck, qui fut pendant plus de vingt ans un photographe star et payé en conséquence, jusqu'à ce que la saturation le prenne, comme il l'avait relaté dans La dernière photo (Lattès) : il lâche la photographie pour l'écriture, d'autant que ses premiers écrits ont été prometteurs. Jusque là tout va bien, mais la réalité prosaïque le rattrape : les droits d'auteur sont bien maigres. Il lui faut donc travailler à côté, lui qui ne sait rien faire en dehors de ses créations. Il va plonger dans l'univers des petits boulots, à la recherche de quelques billets nourriciers, et en découvrir la férocité en même temps que la déstructuration sociale et personnelle qui va avec. Dans ce monde ubérisé sans pitié "Je suis à la misère ce que cinq heures du soir en novembre sont à l'obscurité : il fait noir mais ce n'est pas encore la nuit"...

Difficile de savoir précisément dans ce récit autobiographique ce qui est authentique, romancé voire imaginé. Mais on entend très bien le créateur en quête d'absolu se confronter à une réalité sociale (le libéralisme, l'incompréhension, le regard des autres...) qui se fiche de lui et de ses choix.

Rien de bien nouveau sous le soleil de notre temps, mais c'est bien écrit et plein d'humanité.

lundi 31 mars 2025

Censures et contrariétés

 D'un peu partout sur la planète nous arrivent de lourds nuages noirs relatifs à la montée des censures. Et, signe inquiétant que j'ai souvent évoqué sur ce blog, ils viennent des deux  horizons idéologiques. Aux Etats-Unis, le trumpisme triomphant interdit à tour de bras des ouvrages contraires à sa vision du monde; face à lui, un wokisme moins frontal mais plus diffus impose la cancel culture ou les sensitive readers pour réécrire l'histoire. En Amérique du sud, en Europe centrale, en Asie, en Russie, au Moyen-Orient et dans bien d'autres endroits les régimes "populistes" ou religieux assument sans complexe d'interdire l'expression des idées contraires aux vérités officielles. Dans un moment qui n'est pas sans rappeler peu ou prou l'avant-guerre du XXème siècle, ce constat doit mobiliser sans faiblesse les esprits libres dans un esprit de résistance aux menaces qui s'annoncent.

Dans le même temps abondent dans notre France des plaintes d'artistes contrariés : Jul, par exemple -voir billet ci-dessous- qui parle de "censure d'un autre temps" à propos de ses démêlés avec l'Education nationale (comme si l'EN pouvait sérieusement être suspectée de politiquement incorrect...) ou ces artistes meurtris par la baisse des budgets culturels dans une France exsangue... Je ne dis pas que que leurs luttes soient dénuées de légitimité, mais le principe de réalité est têtu.

Je crains juste qu'à crier au loup pour tout et n'importe quoi, on finisse par rendre inaudibles les atteintes graves à la liberté d'expression, et inopérantes les résistances à ces pestes brunes. L'heure est devenue assez grave pour qu'on fasse preuve de pudeur et qu'on sache raison garder entre l'essentiel et l'accessoire.

vendredi 21 mars 2025

Jul, Education nationale et routine perverse

 C'est un fait d'actualité qui, s'il était sorti de l'imagination d'un auteur, ne ferait pas un pitch bien original, mais c'est un fait réel. Rappelons l'incident : l'Education nationale commande à Jul, auteur de BD, une adaptation de la Belle et la Bête, destiné à être offert aux élèves de CM2 dans l'opération Un livre pour les vacances, et tiré à 900 000 exemplaires.

Jul fait son travail, que les services de l'EN valident. Patatras : à la veille de l'impression la ministre Elisabeth Borne retoque le projet et le livre. "Décision politique de censure !", claironne sans surprise l'auteur, qui rappelle que dans la préface du livre Mme Borne saluait son travail, "un conte d'une modernité nouvelle" (On apprend au passage qu'il existe des modernités anciennes). On aura compris que ladite préface signée E. Borne a du être rédigée par les services du ministère et que la ministre a découvert tardivement le livre, où il est question d'algériens, de beurettes, d'alcool, de réseaux sociaux et de divers problèmes sociétaux, le tout bien éloigné du conte de 1756 signé Jeanne-Marie Leprince de Beaumont.

Pourquoi pas, mais le principe du  dispositif Un livre pour les vacances veut que le livre puisse être lu de façon autonome et sans accompagnement, et pour des enfants de 10 ou 11 ans "le livre amène plus de questions que de réponses" selon la ministre qui le voit plus adapté à une fin de collège.

Je ne connais pas le travail de Jul, et n'en pense donc rien. Mais j'ai l'impression d'assister une fois de plus, dans un ballet bien ordonné, à un affrontement rituel entre militants d'un côté, qui provoquent allègrement, et pouvoir politique de l'autre, qui en profite pour donner des gages au camp d'en face en bloquant in extremis le projet (qu'il faudra bien payer, mais on n'en est plus là). Ce bal de faux culs un peu pervers  radicalise encore un peu plus ce qui sert de débat et ne laisse rien espérer de bon : de tous côtés l'avenir s'obscurcit... 

mardi 11 mars 2025

Printemps et poésie, lave et fumée...

 Le monde de la poésie institutionnelle française s'est calmé. Après une 27ème édition agitée, l'année dernière, avec l'affaire Tesson puis la démission de la directrice Sophie Nauleau, l'édition 2025 s'annonce conforme à ce qu'on est en droit de ne pas attendre de ce type d'évènement, désormais dirigé par Emmanuel Hoog et programmé du 14 au 31 de ce mois.

Sont donc annoncés 18 000 manifestations dans des villes et des villages (à qui rien ne sera épargné) sur le thème "La poésie. Volcanique." (sic). Pourquoi pas. Mais pourquoi donc ? "C'est une image qui peut m'inspirer, on peut l'associer à mon tempérament" répond la ministre Rachida Dati... Mais encore ? "Je trouve que c'est très volcanique, de pouvoir amener la culture au plus grand nombre..." Si ça c'est pas du contenu...

Mais autant de vacuité ne signifie pas manque d'ambition, au contraire, et c'est des millions de français qui devraient entendre des poésies, nous dit-on. Comment ? par la grâce d'un contrat signé avec l'Union Nationale des Fleuristes qui pour tout achat vous remettra un QR Code renvoyant vers une vidéo de poésie, déclamée par des célébrités (on craint le pire) ou des anonymes (on le craint aussi)... Personne ne devrait laisser passer une si belle opportunité.

Bref, on l'aura compris, le printemps approche. Pour la poésie on attendra un peu.

mercredi 26 février 2025

Nadau au Grand Rex, un chant, une voix

 De leurs hauteurs pyrénéennes, Jan de Nadau et son groupe descendent à Paris, pour une soirée au Grand Rex ce 27 février. Un concert de Nadau est toujours un évènement, que ce soit dans un village occitan ou sur une grande scène parisienne. Même la "grande" presse nationale lui consacre des pleines pages (Le Figaro du 25/02, très bel article). On a tout dit sur le dernier dinosaure de la nova cançon occitana des années 70 ; pourtant, plus d'un demi-siècle après sa création, et autant de temps passé à écumer les écoles, les églises, les salles polyvalentes ou les places publiques de la terre d'oc, Nadau est plus que jamais le phare identitaire de la chanson et de la culture occitanes. Places vendues en quelques heures, concerts multipliés pour satisfaire une part de la demande, son succès défie les meilleures analyses du marketing contemporain. Les fans accourent de partout ou se ruent par trains entiers vers Paris (Olympia, Zénith, etc...) pour l'évènement. Et tout ça sans machinerie publicitaire, pour une musique traditionnelle et une langue régionale, qui ne fleurent pas la modernité ambiante...

Comment dire à ces doctes analystes, étouffés par la perplexité, que Nadau et ce qu'il chante c'est ce qui a pétri la chair de ces gens du sud, qui ne pensent pas comme ceux du nord, et qui leur donne une identité fondée sur une langue et une culture qui enchanta l'Europe, voilà bien longtemps... Et que des troubadours à Nadau une âme d'oc perdure.

Et si cette vieille bête ne voulait pas mourir ? Et si, comme le dit Jan de Nadau dans l'aricle évoqué ci-dessus, "quand on a autant besoin de prendre la culture des autres, c'est qu'on n'en a plus beaucoup." ?

jeudi 20 février 2025

Maison des Ecrivains et de la Littérature, clap de fin ?

 Il est des nouvelles dont on se demande si elles sont bonnes ou si elles sont mauvaises. Ainsi apprend-on que la MEL (Maison des Ecrivains et de la Littérature), une association de promotion de la lecture et de la littérature, est au bord du gouffre : pas une bonne nouvelle, évidemment. Mais quand on y regarde de plus près, on s'attriste beaucoup moins.

Il y a quelques années j'avais évoqué sur ce blog les soucis financiers de cette structure sise dans l'ancien hôtel particulier des frères Goncourt, boulevard Montmorency dans le XVIème arrondissement, qu'elle loue à la mairie de Paris : déjà apparaissent quelques pistes d'économie. La dotation de Ministère de la Culture passe de 350 000 euros en 2024 à 200 000 euros en 2025 ; voilà donc plusieurs années que l'Etat insiste, en un sabir inimitable, sur la "nécessité d'adapter vos projets et le fonctionnement de votre association à la trajectoire financière en diminution progressive entérinée par le Ministère"... Mais, comme souvent, l'injonction tombe à plat : une asso qui fait le bien avec de la matière culturelle n'a pas à se soucier de l'arithmétique. Sauf que, mutatis mutandis, on en est arrivé à un point que la direction de la MEL déclare, dans une belle litote, que "l'urgence est telle que la cessation est imminente".

Des sources, non officielles précisons-le, mais apparemment bien informées donnent quelques chiffres éloquents : 300 000 euros de subventions pour 304 000 euros de produits d'exploitation, 158 000 euros de masse salariale (7 salariés) et un résultat de moins 18 000 euros.

Finalement, tout bien réfléchi, la culture, la littérature et les écrivains devraient pouvoir se remettre de la disparition de ce machin.

lundi 3 février 2025

Gel du Pass-culture collectif : sidération et colère, vraiment ?

 "Le monde enseignant entre sidération et colère", claironne Télérama à l'annonce d'un possible gel du volet collectif du Pass-culture. Ce "monde enseignant" (entendez par là la poignée de permanents syndicaux qui parlent au nom de la corporation) dénonce la remise en question d'un machin qui coûte un quart de milliard (c'est l'unité de mesure aujourd'hui nécessaire pour parler de la situation des français) pour un résultat désolant. Certes la dimension financière des choses n'a jamais été le souci premier des enseignants, et il faut reconnaitre que ce Pass-culture collectif facilitait bien l'organisation et le financement des sorties scolaires. Et même si la destination de ces sorties pouvait être sujette à caution et son bénéfice culturel incertain, ce n'était pas le pire aspect du dispositif.

Je l'avais souligné lors d'un billet récent : ce volet collectif, encadré par les enseignants, était le plus crédible pour rencontrer les "produits" culturels. Le volet individuel fait surtout la fortune des mangas, des blockbusters et des machineries de production : ce Pass-culture là a permis à ceux qui, pas trop éloignés de la culture, voulaient en consommer davantage. Mais cet effet d'aubaine fait la joie des industries du cinéma, de l'édition, de la musique : on peut sans courir le moindre risque de complotisme deviner que le lobbying doit être très actif, ceci expliquant peut-être que ce soit le volet collectif qui trinque en premier...

L'idée du projet initié par Françoise Nyssen (une éditrice, mais c'est sans doute un hasard) était intéressante et généreuse. Quelques années plus tard, le dispositif mis en œuvre est devenu un  machin dispendieux et inefficace. Sans surprise, et conforme a une malédiction qui semble peser sur le pays.

jeudi 23 janvier 2025

Ferry, Cohn-Bendit, le haut débat

 Longtemps, j'ai aimé les débats politiques télévisés. Mais voilà déjà quelque temps que je m'en suis écarté. Déjà à cause du formatage : sur les chaines de gauche (je vous laisse établir la liste) on fait "débattre" trois journalistes de gauche et un centriste, généralement issu de la presse quotidienne régionale ; sur les chaines de droite (idem) on a trois ou quatre intervenants de droite et/ou d'extrême-droite, flanqués d'un autre ayant appartenu à la gauche. Au delà de ces tours de tables foireux, le débat lui-même est forcément insipide, voire caricatural : problème de forme et de fond.

Reste cependant un moment agréable, le dimanche soir autour de 19 heures sur LCI, celui qui oppose Luc Ferry et Dany Cohn-Bendit. Opposer n'est pas le terme le plus juste, car ils conviennent souvent d'une même analyse et d'une même vision du monde, et surtout d'une même honnêteté devant le réel : cela n'affadit pas le débat, cela l'élève. Et leurs désaccords amènent le téléspectateur à s'interroger, pas à choisir un camp contre un autre. Certains diront à juste titre que leurs analyses sont un peu datées ; il est vrai que les deux septuagénaires sont de la même génération, celle d'avant la com. Et s'il y a parfois quelques clashes, ils sont courtois et respectueux. Bref, un échange complice et intelligent. Espérons que des plus jeunes s'en inspirent.

lundi 20 janvier 2025

Culture embourgeoisée ?

 Voilà quelques jours, dans une interview au Figaro, Vincent Lindon estimait que "la culture s'était terriblement embourgeoisée" ces dernières décennies. Un tel truisme aurait pu se passer d'argumentation, mais celle-ci n'est pas inintéressante. Ainsi déplore t-il que "les intellectuels ne communiquent plus entre eux" ; en effet, ils produisent, chacun dans son clan, et ne se rencontrent que pour s'invectiver, pour le plus grand bonheur des media qui les y encouragent. Lindon concède qu'il leur est difficile de s'adresser à une génération nourrie et formatée par les réseaux sociaux. C'est vrai, et le débat s'est donc plus qu'appauvri.

Plus curieusement, il déplore un "engagement en berne", lié à cet embourgeoisement. Personnellement je crains que, plus que la quantité d'engagement, ce soit surtout la nature de celui-ci qui pose problème. Il fût une époque où on pouvait parler à bon escient d'engagement quand choisir un camp comportait un danger. Qui aujourd'hui peut pronostiquer le moindre risque à proférer ad nauseam des banalités consensuelles sur les thèmes à la mode (femmes, migrants, malades, etc...) qui ne fleurent que des impératifs de com ?

Sur l'embourgeoisement lui-même, un petit tour sur Wikipédia à propos des têtes d'affiches de nos divers box-offices permet de constater que la plupart sont de bonne famille, et n'ont guère trahi leur classe. Naitre bourgeois n'est pas incompatible avec le talent ni avec la sincérité mais peut créer des réflexes peu révolutionnaires. Et Lindon lui-même , qui doit une bonne partie de sa carrière à des films prétendument "sociaux", est né avec une cuillère d'argent dans la bouche et n'a, à ma connaissance, pas pris énormément de vrais risques dans celle-ci...

Mais il me reste un doute : aurait-il donné la même interview à Libération ?

lundi 6 janvier 2025

Bonne Année 2025 !

 Que peut-on raisonnablement se souhaiter en ce Nouvel An 2025, qui soit sincère, original et sensé ?

Bien sûr des vœux de santé, de sérénité, de prospérité pour les plus optimistes, et tout cela n'est pas rien... Modestement, je souhaiterai un peu plus de culture, de connaissance de l'Histoire et de sens des responsabilités chez nos élites, pour venir habiller les sommets de l'Etat ou de ce qu'il en reste. Et un peu d'altérité dans la vie de chacun.

En attendant, vive l'espoir qui fait vivre et Bonne Année à tous !